Le décès d'un concubin est une épreuve douloureuse, souvent accompagnée d'incertitudes juridiques et administratives. Contrairement aux couples mariés ou pacsés, les concubins ne bénéficient pas automatiquement de protections légales en cas de décès de leur partenaire. Cette situation peut engendrer des complications importantes, notamment concernant la succession, le logement ou les droits sociaux. Il est donc crucial de comprendre les droits et options disponibles pour les concubins survivants afin de faire face à cette période difficile et de prendre les mesures nécessaires pour protéger leurs intérêts.
Statut juridique du concubinage en france
En France, le concubinage est défini par l'article 515-8 du Code civil comme une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple . Bien que reconnu légalement, le concubinage n'offre pas les mêmes protections juridiques que le mariage ou le PACS.
Cette absence de cadre légal strict présente à la fois des avantages et des inconvénients. D'un côté, les concubins jouissent d'une grande liberté dans l'organisation de leur vie commune. De l'autre, ils se trouvent souvent démunis face à certaines situations, notamment en cas de décès de l'un des partenaires.
Il est important de noter que le concubinage ne crée pas de lien juridique entre les concubins. Chacun reste juridiquement indépendant, ce qui signifie qu'en l'absence de dispositions spécifiques, un concubin n'a aucun droit automatique sur les biens de son partenaire, y compris après son décès.
Droits successoraux du concubin survivant
Absence de droits légaux automatiques
Contrairement aux époux ou aux partenaires pacsés, le concubin survivant n'a aucun droit légal sur la succession de son partenaire décédé. En l'absence de testament, les biens du défunt sont transmis à ses héritiers légaux, généralement ses enfants ou ses parents. Cette situation peut être particulièrement problématique lorsque le couple vivait ensemble depuis de nombreuses années et partageait de facto une vie commune, sans pour autant bénéficier des protections légales offertes par le mariage ou le PACS.
Cette absence de droits automatiques peut avoir des conséquences dramatiques pour le concubin survivant, notamment en ce qui concerne le logement ou les biens acquis en commun. Il est donc essentiel d'anticiper ces situations et de prendre des mesures pour protéger le concubin survivant.
Testament et legs en faveur du concubin
Le moyen le plus direct pour un concubin de transmettre des biens à son partenaire est de rédiger un testament en sa faveur. Ce testament peut prendre différentes formes (olographe, authentique ou mystique) et doit respecter certaines conditions de forme pour être valable. Il est fortement recommandé de faire appel à un notaire pour s'assurer de la validité du testament et de son adéquation avec la situation personnelle du testateur.
Cependant, il est important de noter que même avec un testament, le concubin ne peut léguer que la quotité disponible de son patrimoine. En effet, une partie des biens du défunt (la réserve héréditaire ) est automatiquement destinée à ses héritiers réservataires (enfants ou, à défaut, parents). La quotité disponible varie en fonction du nombre d'héritiers réservataires :
- 1/2 de la succession en présence d'un enfant
- 1/3 en présence de deux enfants
- 1/4 en présence de trois enfants ou plus
Donation entre concubins
Les concubins peuvent également envisager de se consentir des donations de leur vivant. Ces donations peuvent porter sur des biens meubles ou immeubles et peuvent être réalisées en pleine propriété, en nue-propriété ou en usufruit. Comme pour les legs testamentaires, les donations sont limitées à la quotité disponible si le donateur a des héritiers réservataires.
Il existe différents types de donations, comme la donation simple, la donation-partage ou encore la donation avec réserve d'usufruit. Chacune présente des avantages et des inconvénients en termes fiscaux et juridiques. Il est donc recommandé de consulter un notaire pour choisir la forme de donation la plus adaptée à sa situation personnelle.
Assurance-vie au bénéfice du concubin
L'assurance-vie constitue un outil privilégié pour transmettre un capital au concubin survivant. En effet, les sommes versées au titre d'un contrat d'assurance-vie ne font pas partie de la succession et échappent donc aux règles de la réserve héréditaire. Le souscripteur peut librement désigner son concubin comme bénéficiaire du contrat.
De plus, l'assurance-vie bénéficie d'un régime fiscal avantageux. Pour les versements effectués avant les 70 ans de l'assuré, le bénéficiaire profite d'un abattement de 152 500 € avant taxation. Au-delà, les sommes sont taxées à 20 % jusqu'à 700 000 €, puis à 31,25 % au-delà. Pour les versements effectués après 70 ans, seule la fraction des primes versées excédant 30 500 € est soumise aux droits de succession.
L'assurance-vie représente souvent la solution la plus efficace pour transmettre un capital important au concubin survivant tout en limitant la charge fiscale.
Droits sociaux et fiscaux du concubin survivant
Pension de réversion du régime général
Contrairement aux conjoints mariés, les concubins n'ont pas droit à la pension de réversion du régime général de la Sécurité sociale. Cette pension, qui correspond à une partie de la retraite que percevait ou aurait perçu le défunt, est réservée aux conjoints mariés et, sous certaines conditions, aux ex-conjoints divorcés.
Cette exclusion des concubins de la pension de réversion peut avoir des conséquences financières importantes, en particulier pour les couples de longue durée où l'un des partenaires a peu ou pas travaillé. Il est donc crucial d'anticiper cette situation en souscrivant, par exemple, à une assurance décès ou en constituant une épargne suffisante.
Droits à la sécurité sociale
En matière de sécurité sociale, le concubin survivant peut, sous certaines conditions, bénéficier du maintien des droits à l'assurance maladie du défunt pendant un an. Pour cela, il doit avoir été à la charge effective, totale et permanente de l'assuré décédé au moment du décès.
Au-delà de cette période d'un an, le concubin survivant devra justifier d'une affiliation personnelle à la sécurité sociale, soit en tant que salarié, soit en souscrivant à l'assurance volontaire.
Fiscalité des successions entre concubins
Sur le plan fiscal, les concubins sont considérés comme des tiers l'un envers l'autre. Cela signifie que les transmissions entre concubins, qu'elles soient effectuées par donation ou par succession, sont lourdement taxées. Le taux d'imposition applicable est de 60 % après un abattement de seulement 1 594 €.
Cette fiscalité particulièrement lourde rend d'autant plus importante la mise en place de stratégies de transmission adaptées, comme l'utilisation de l'assurance-vie ou la réalisation de donations du vivant des concubins.
Logement et droits d'occupation
Bail locatif au nom du concubin décédé
Lorsque le logement occupé par le couple était loué au seul nom du concubin décédé, le concubin survivant peut bénéficier du transfert du bail à son nom sous certaines conditions. Selon l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989, ce transfert est possible si le concubinage était notoire et si le concubin survivant vivait avec le locataire depuis au moins un an à la date du décès.
Si ces conditions sont remplies, le concubin survivant devient automatiquement titulaire du bail. Il est important de noter que ce droit au transfert du bail n'est pas exclusif : d'autres personnes (enfants, ascendants) peuvent également y prétendre. En cas de conflit, c'est le juge qui tranchera.
Résidence principale en indivision
Dans le cas où la résidence principale était détenue en indivision par les concubins, la situation peut devenir complexe au décès de l'un d'eux. En effet, la part du défunt dans l'indivision est transmise à ses héritiers, qui deviennent alors co-indivisaires avec le concubin survivant.
Cette situation peut être source de tensions, notamment si les héritiers souhaitent vendre leur part. Il est important de rappeler que nul n'est tenu de rester dans l'indivision (article 815 du Code civil). Les héritiers peuvent donc demander le partage de l'indivision, ce qui pourrait contraindre le concubin survivant à racheter leur part ou à quitter le logement.
Droit temporaire au logement
Contrairement aux époux, les concubins ne bénéficient pas du droit temporaire au logement d'un an prévu par l'article 763 du Code civil. Ce droit permet au conjoint survivant de rester gratuitement dans le logement familial pendant un an après le décès.
En l'absence de dispositions testamentaires ou d'accord avec les héritiers, le concubin survivant peut donc se retrouver dans l'obligation de quitter rapidement le logement qu'il partageait avec le défunt. Cette situation souligne l'importance de prendre des dispositions en amont pour protéger le concubin survivant, par exemple en lui léguant un droit d'usage et d'habitation sur le logement.
L'absence de protection légale concernant le logement rend particulièrement vulnérable le concubin survivant, d'où l'importance d'anticiper cette situation par des dispositions adaptées.
Démarches administratives après le décès
Déclaration du décès à l'état civil
La déclaration du décès à l'état civil est une obligation légale qui doit être effectuée dans les 24 heures suivant le décès (hors week-ends et jours fériés). Cette démarche peut être réalisée par le concubin survivant, mais aussi par un proche ou les pompes funèbres. Elle s'effectue auprès de la mairie du lieu du décès, sur présentation du certificat de décès établi par un médecin.
Une fois la déclaration effectuée, la mairie délivre des copies de l'acte de décès, document indispensable pour de nombreuses démarches administratives ultérieures. Il est recommandé d'en demander plusieurs exemplaires.
Obtention du certificat d'hérédité
Le certificat d'hérédité est un document qui permet de prouver sa qualité d'héritier. Cependant, en tant que concubin, vous n'êtes pas considéré comme un héritier légal et ne pouvez donc pas obtenir ce certificat. Si le défunt vous a institué légataire par testament, vous devrez attendre l'ouverture du testament pour faire valoir vos droits.
En l'absence de testament, le concubin survivant n'a aucun droit sur la succession. Il est donc crucial de vérifier si le défunt avait pris des dispositions testamentaires en votre faveur. Si tel est le cas, vous devrez contacter le notaire chargé de la succession pour faire valoir vos droits.
Clôture des comptes bancaires communs
En cas de compte joint, le décès de l'un des titulaires n'entraîne pas automatiquement la clôture du compte. Le concubin survivant peut continuer à l'utiliser, mais il devient seul responsable de son fonctionnement. Il est recommandé d'informer rapidement la banque du décès pour éviter tout problème ultérieur.
Pour les comptes personnels du défunt, ils sont bloqués dès que la banque est informée du décès. Les sommes qui y figurent font partie de la succession et seront réparties entre les héritiers selon les règles légales ou les dispositions testamentaires. Le concubin survivant n'a aucun droit sur ces comptes, sauf s'il a été désigné comme bénéficiaire dans un testament.
Recours juridiques du concubin survivant
Action en enrichissement sans cause
Dans certains cas, le concubin survivant peut intenter une action en enrichissement sans cause (également appelée action de in rem verso ) contre la succession du défunt. Cette action vise à obtenir une compensation pour les investissements ou les efforts fournis par le concubin survivant qui ont contribué à enrichir le patrimoine du défunt.
Pour que cette action soit recevable, il faut prouver :
- Un appauvrissement du demandeur (le concubin survivant)
- Un enrichissement corrélatif du défendeur (la succession)
- L'absence de cause légitime à cet enrichissement
Cette action peut être particulièrement pertinente dans les cas où le concubin survivant a contribué à l'acquisition ou à l'amélioration d'un bien immobilier appartenant au défunt, sans en être propriétaire.
Demande d'indemnisation pour préjudice moral
Le concubin survivant peut également envisager de demander une indemnisation pour préjudice moral auprès des responsables du décès, si celui-ci résulte d'un accident ou d'un acte fautif d'un tiers. La jurisprudence reconnaît en effet le droit du concubin à obtenir réparation du préjudice moral subi du fait du décès de son partenaire.
Pour être recevable, cette demande doit s'appuyer sur la preuve d'un concubinage stable et notoire. Il faudra donc apporter des éléments démontrant la réal
ité de leur vie commune (factures communes, témoignages, etc.). Le montant de l'indemnisation dépendra de divers facteurs, notamment la durée de la relation et l'intensité du préjudice subi.
Contestation du testament par les héritiers légaux
Dans certains cas, les héritiers légaux du défunt peuvent contester le testament qui avantage le concubin survivant. Cette contestation peut se fonder sur différents motifs, tels que :
- L'incapacité du testateur au moment de la rédaction du testament
- Un vice de forme dans la rédaction du testament
- La captation d'héritage, c'est-à-dire l'influence abusive exercée sur le testateur
- L'atteinte à la réserve héréditaire des héritiers réservataires
Face à une telle contestation, le concubin survivant devra être en mesure de défendre la validité du testament. Il est fortement recommandé de faire appel à un avocat spécialisé en droit des successions pour vous assister dans cette démarche. L'avocat pourra notamment :
- Vérifier la conformité du testament aux exigences légales
- Rassembler les preuves de la capacité du testateur au moment de la rédaction
- Démontrer l'absence de captation d'héritage
- Négocier avec les héritiers légaux pour trouver un accord amiable
Il est important de noter que la charge de la preuve incombe généralement à ceux qui contestent le testament. Néanmoins, une préparation solide de votre défense est essentielle pour préserver vos droits en tant que concubin survivant.
La meilleure protection contre les contestations reste une préparation minutieuse en amont, avec l'aide d'un notaire, pour s'assurer de la validité et de l'incontestabilité du testament.
En conclusion, bien que le concubinage n'offre pas de protection légale automatique en cas de décès, il existe plusieurs moyens de sécuriser la situation du concubin survivant. La rédaction d'un testament, la souscription d'une assurance-vie, ou encore la mise en place de donations peuvent permettre de transmettre des biens au concubin. Cependant, ces dispositions doivent être soigneusement préparées pour éviter tout risque de contestation ultérieure. Face à la complexité du droit des successions, il est vivement recommandé de consulter des professionnels (notaire, avocat) pour mettre en place la stratégie la plus adaptée à votre situation personnelle.